souvenirs du village

Les souvenir d'enfance, ma mère

F. MECHOUCHE, Ma mère

C'est une image qui est bien gravée dans ma mémoire depuis mon très jeune âge, ma mère, l'une des couturières du village, travaillait toute l'année à coudre des robes kabyles pour les mariées et les autres femmes du village. Connue pour son travail soigné et réalisé dans les temps voulus, elle partage son temps à satisfaire ses clientes et satisfaire nos besoins, des bouches à nourrir, des enfants à élever tant bien que mal, le mari étant exilé en France pour chercher la subsistance . Je me rappelle très bien, comme si ça datait d’hier, du bruit assourdissant de la pédale (de la machine à coudre) de façon prolongée, qui m'arrachait du sommeil de mes rêves d'enfant, de mes imaginations parfois folles et irrationnelles, et qui brisait le silence lugubre des nuit d'hiver longues. 

Sous le toit de notre maison bâtie de pierre et de terre, le plafond  que je sillonne de mes yeux d'enfant chaque soir, allongé  sous le lourd et épais couvre lit tissé par les mains magiques de maman, me laisse voir le génie des bâtisseurs et leur savoir-faire unique. Des branches de chênes entremêlées de façon anarchique, mais esthétiques, que elles même reposent sur des traverses, moyennement plus grosses, le tout assis sur des poutres supportées par de grands troncs d'arbres, au milieux et aux extrémités  des poutres tordues aux formes disproportionnées.

Ma mère installée en face de la cheminée  façonnée dans l'angle de la grande pièce près de la porte principale, pour profiter des vagues de chaleur. Parfois quand la pédale cesse son vacarme infernal, et sifflement de ses rotules et de la grande roue qui tire la tête de la machine par une courroie, me laisse entendre le craquement des branches dévorées par les flammes, une grosse branche occupe le plus grand espace de la cheminée, suivie par de petites bûches de part et d'autres pour soutenir la grosse branche, des langues de feu dansantes dans tous les sens projettent l'ombre fantomatique de ma mère sur le mur.



Ma mère est accoudée à la table de la machine à coudre de la marque Singer, apportée de France par mon père  pour aider dans les dépenses du foyer, car les mandats parfois n'arrivaient pas à destination ...!! C'est ce que maman disait quand nos demandes devenaient plus gourmandes  pour nous faire attendre encore plus. Quelques coupons de tissus entremêlés, des tissus soyeux, laineux, ornés  par de petites fleurs de toutes les couleurs, maman disait ce tissus c'est les fleures du printemps (ajejig n'tefsouthe), les plus aisées de ses clientes avait le privilège d'en avoir des coupons par occasions ,elle faisait  très attention lors de la découpe ( afsal) afin d'en garder des petits bouts pour les restituer aux clientes, car une fois la robe fanée, usée ou déchirée, ma mère pouvait la restaurer et lui redonner une seconde vie. 

Un bout de fil noir serpente sa bouche qu'elle coupe avec ses dents, le tissus passe docilement entre les dents de la machine laissant sur  lui un sillage de dentelles ou de zig zag ou de rubans aux couleurs très vives, le tout jouant une belle danse chorégraphique entre les mains habiles et douées de maman. 

Parfois  mon jeune frère assis près d'elle jouant avec la bobine de fil par terre, comme un petit chat qui tient une pelote,  tantôt il tire le coupon de tissu, tantôt il tire le zig zag ou la dentelle, d'un geste plein d'amour et de tendresse, elle se pencha vers lui le déplaça avec son sourire habituel et son indulgence sans égal. 

Une vraie combattante, une résistante, une résignée, elle nous a fait grandir comme ça assise derrière la machine, sans répit, sans relâche, elle a accepté son destin avec constance...... 

Milles merci maman pour tout ce que tu a fait pour nous, nous t'aimons et ne pourrons jamais te rendre un brin de ton sacrifice. Que dieu te garde.

Farid MECHOUCHE.


L'Amour d'une mère!

Auteur, Farid MECHOUCHE